L’allongement du congé paternité entre enfin en vigueur pour les naissances à compter du 1er juillet 2021: les jeunes pères (ou les deuxièmes parents) bénéficieront dorénavant d’un mois de congé à l’arrivée de leur enfant.
Un petit pas dans la bonne direction …
Loin d’être une révolution quand on compare à certains pays plus généreux comme la Suède ou la Norvège (en Norvège, les deux parents doivent se répartir les un an de congé naissance), la mesure n’en demeure pas moins une avancée à saluer et à transformer ! Elle permet d’intégrer le second parent comme un acteur indispensable de la naissance d’un bébé et d’une famille, en soulageant la charge qui pèse sur la mère. Et cette mesure va par ailleurs obliger les entreprises à s’organiser concrètement pour anticiper et permettre les absences de leurs collaborateurs. On peut donc espérer que les freins liés à l’absence au travail des mères autour de la naissance évoluent dans les mentalités, puisque désormais tout parent sera absent un certain temps.
C’est toute l’ambivalence de ce changement : même si c’est un changement mineur (passage de 11 à 30 jours d’absence comparés au 16 semaines pour les mères qui donnent naissance), on en parle comme si sa mise en œuvre allait être évidente/automatique. Or, côté parents comme côté entreprises, vous êtes nombreux à nous confier que cela va bousculer votre quotidien ! Un petit point s’impose.
Au sommaire de l’article
- L’allongement du congé paternité, qu’est-ce que ça change pour les pères ?
- Un mois pour tâtonner et vivre pleinement en famille.
- En quoi le congé paternité bénéficie à l’entreprise et comment intégrer cette nouvelle donne?
- Quelques conseils pour accompagner la mise en place de cette nouvelle mesure
1. L’allongement du congé paternité, qu’est-ce que ça change pour les pères ?
Petit point de vocabulaire en préambule : on parle communément de “congé paternité”, mais ce congé concerne le second parent : le père salarié, le conjoint ou le concubin salarié de la mère ou la personne salariée liée à la mère par un PACS.
Le second parent dispose désormais d’un mois d’absence du travail, composé d’un congé naissance de 3 jours ouvrables, de 4 jours calendaires consécutifs obligatoires , de 21 ou 28 jours calendaires ( selon le nombre d’enfants). En cas d’hospitalisation de l’enfant, s’ajoutent 26 jours calendaires consécutifs. Il ou elle dispose de 6 mois pour en bénéficier.
Aujourd’hui seuls 70% des jeunes pères prennent leur congé paternité dans le secteur privé. C’est donc un premier pas pour encourager tous les pères à l’utiliser. Le prochain volet de la réforme devrait concerner le congé parental. Moins de 1% des pères prennent aujourd’hui un congé parental. Très mal indemnisé et centré sur un seul parent, il incite à choisir le salaire le plus faible (le plus souvent la mère) pour ne pas pénaliser la famille.
2. Un mois pour tâtonner et vivre pleinement en famille.
Il faut évidemment plus d’un mois pour construire son nouvel équilibre de jeune parent et se sentir père ou mère, ou pour faire ses premiers pas en tant que couple parental / nouvelle famille. Il faut évidemment plus d’un mois pour accompagner, soutenir concrètement et émotionnellement la jeune mère en post-partum. Il faut évidemment plus d’un mois pour créer un lien avec son / ses bébé(s) qui nécessite(nt) des soins et une observation permanente.
Que le second parent reste plus longtemps dans le cocon familial est une avancée tant pour l’égalité des genres que pour le développement de l’enfant. Ce “mois” est loin d’être suffisant. Pour autant, ce congé permet de diminuer la charge mentale, la pression émotionnelle et la fatigue physique que la société fait peser uniquement sur la mère en la laissant en tête à tête avec son nourrisson et en retirant au second parent le droit d’être à leurs côtés.
Les études sociologiques ont également montré que la répartition des rôles et la construction de la charge mentale s’élaborent dès les premiers jours. L’absence du deuxième parent les premiers jours inscrit dans le temps le rôle de la mère comme la seule détentrice du savoir et la décisionnaire au quotidien, reléguant l’autre parent à un rôle de « suiveur » qu’il faut « former » ou « encadrer ». Au contraire, en restant plus longtemps à la maison dès la naissance, le second parent peut prendre sa place et s’approprier sa parentalité. En effet, être présent dès les premiers jours de son bébé, multiplier le contact physique et le soutien émotionnel, lui donner les premiers soins facilitent les liens d’attachement dans les deux sens (pour le parent et pour le bébé) et la connaissance de son enfant (et de ses besoins).
3. En quoi le congé paternité bénéficie à l’entreprise et comment intégrer cette nouvelle donne ?
En entreprise, ce changement n’est pas anodin. Il participe au changement des mentalités en déconstruisant l’équation parentalité = maternité. Il permettra de mesurer un peu mieux l’impact de la maternité sur les carrières féminines. Il permettra, espérons-le, d’installer un autre rapport à la paternité qui se prolongera au-delà des premières semaines après la naissance pour tous les pères qui le souhaitent.
Les jeunes pères supportent une forte injonction à la réussite professionnelle, souvent indexée à une culture du présentéisme encore très prégnante en France ou encore à la prise de responsabilité managériale. Ce n’est pas seulement un rapport à la paternité qu’il faut repenser mais également un rapport au travail et à la réussite. Certains pères évoquent des difficultés à se sentir légitimes pour demander / justifier ce congé, de la même façon que certains peinent à faire reconnaître leur changement d’horaires (liés aux contraintes horaires des modes de garde). Pères ou mères, ce sont de nouveaux modèles en cours de création, qui permettent de concilier parentalité et vie personnelle avec une ambition de réussite et d’épanouissement professionnel.
Accompagner ses salariés dans la prise en main de ce nouveau congé paternité, c’est donc incarner des valeurs d’innovation sociale au sein de l’entreprise. Mais cela permet également de répondre à ses enjeux stratégiques. La jeune génération, celle qui est la plus susceptible d’y avoir recours sera sensible au discours de son entreprise et aux modalités pratiques retenues pour accompagner cette nouveauté. Mettre en place un processus clair pour vos collaborateurs, c’est travailler votre marque employeur pour recruter plus facilement, atteindre vos objectifs en matière de Qualité de Vie au Travail, fidéliser vos talents. Faites de cette mesure une opportunité stratégique : en fonction de vos enjeux globaux actuels, vous pourrez adapter votre communication.
4. Quelques conseils pour accompagner la mise en place de cette nouvelle mesure
Certes, une absence d’un mois pour un congé paternité n’induit pas les mêmes enjeux de re-onboarding au sein du collectif de travail qu’une absence de 4 à 6 mois pour un congé maternité. Néanmoins, un mois d’absence peut se révéler un challenge pour certains et nécessiter un accompagnement.
On distingue 3 principaux freins dans la mise en œuvre de cette mesure : la réaction du manager / de l’équipe / de l’entreprise à cette annonce, l’absence de clarté sur les démarches à effectuer, le sentiment pour lecollaborateur que sa demande mettra en difficulté l’équipe / intervient au mauvais moment. Doter l’entreprise de process pour répondre à ces 3 enjeux facilitera grandement sa réalité.
a. La sensibilisation : évolution de la culture d’entreprise
Les managers sont les premiers ambassadeurs de la culture et des valeurs de l’entreprise. Former les managers à cette réalité du congé paternité et accompagner leurs équipes en ce sens est une mesure phare pour la réussite de ce congé du deuxième parent. Il peut s’agir d’un flyer à lire, d’une conférence ou d’un aelier de formation sur le sujet, d’un mémo rappelant les convictions du DRH, de la nomination d’un référent en interne, etc.
b. L’organisation : un process clair
Pour accompagner vos collaborateurs, il est important de leur faciliter les démarches administratives : les délais à respecter, les personnes contact, l’impact sur la rémunération, les mesures complémentaires prévues par l’entreprise, etc. C’est également l’occasion de créer ou de mettre à jour votre guide de la parentalité.
c. La préparation : des outils pratiques
Enfin, quand le congé paternité se profile, voici quelques conseils pratiques issus de l’expérience du congé maternité qui permettront à votre collaborateur de préparer son départ / son retour le plus sereinement possible.
En amont :
- indiquer ses indisponibilités en amont, choisir les modalités selon lesquelles on souhaite ou non garder un lien avec l’entreprise
- travailler en binôme en amont du départ, sur les sujets nécessitant un interlocuteur présent dans l’entreprise, identifier les priorités
Au retour :
- organiser un entretien de retour de congé paternité
- fêter l’événement : la convivialité est essentielle, à un moment où le collaborateur traverse une changement important
Le congé paternité, au même titre que le congé maternité, est une formidable occasion de travailler en micro et en macro sur les enjeux de votre entreprise !